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Titre du blog : Le Berry : Histoire des lieux et des hommes
Auteur : Johan
Date de création : 06-04-2020
 
posté le 10-04-2020 à 18:17:18

Le Berry Gaulois énigme identitaire des Bituriges Vivisques !

 

Article écrit par R. Johannot en février 2013, publié sur ce site le 10 Avril 2020.

 

 

 

 

 

 

 

Le Berry Gaulois
énigme identitaire des Bituriges Vivisques !

 

 

Genèse de l’énigme


Lorsque le géographe grecque Strabon[1] écrit sa Géographie, en 17 après J.C., dans son livre IV- chapitre II- paragraphe I, parlant des Gaules et de ses peuples, il mentionne pour la première fois, l’existencede Gaulois qui se font appeler Bituriges Vivisques (en grec « Ouiviskoi ») et qui sont établis en Aquitaine.

Un peu plus loin dans ses écrits, au paragraphe II du même chapitre et du même livre, il s’empresse de différencier ces Bituriges Vivisques des Bituriges Cubes (en grec « Kouboi ») vivant au centre de la Gaule entre le sud de la Loire et le nord des monts d’Auvergne.

 

Alors que nul autre auteur n’a jamais antérieurement fait allusion à cette différenciation, il fut penser que Strabon, en mentionnant les Bituriges Vivisques, révélait l’existence d’une nouvelle nation gauloise biturige installée en Aquitaine.
En tout cas, cette révélation de Strabon engendrait tout un questionnement, à savoir :
Qui étaient ces Bituriges Vivisques ?
D’où venaient-ils ?
Pourquoi étaient-ils sur ce territoire ?
Et depuis quand y étaient-ils établis ?

 

 

Certaines hypothèses avancées

Certains historiens ont émis l’hypothèse que, la Nation des Gaulois Bituriges, pouvait être composée, dès sa formation, de deux entités distinctes vivant en osmose dans un même royaume établi au centre de la  Celtica :
1°) - Les Bituriges Cubes ou Cubi.
2°) - Les Bituriges Vivisci ou Vivisques.
Ainsi, la cité principale de cette terre du milieu [2](qui deviendra le Berry) appelée Avaricon où aussi Avarich, aurait pu être structurée socio-culturellement à partir de deux pagi réunis par une étroite alliance.
Avaricon[3] (= ville des eaux) lui venait de la rivière Avara [4](=  Evre, aujourd’hui l’Yèvre).
En effet, les habitats primitifs d’Avaricon avaient été implantés sur le promontoire qui se situe au confluent de Yèvre et de l’Auron[5].
La crédibilité de cette hypothèse de structuration sociétale biturige semble s’être renforcée lorsque l’examen d’une pièce de monnaies bituriges trouvées en 1827 à Cheverny dans le Loir et Cher,[6] fit apparaître sur une même face les deux ethnonymes [7]:
- OYI désignant les Bituriges Vivisques (Βιτούριγες οἱ Οὐιβίσκοι)
- KOY désignant les Bituriges Cubes (Βιτούριγες οἱ Κουβοι)

Cette pièce de monnaie[8], qui est datée du premier siècle avant J.C., donnerait donc la preuve que ces deux entités bituriges avaient, à cette époque, une monnaie commune qui pouvait les réunir en une seule Nation.
D’autre part, il semblerait communément admis que la scission entre Cubes et Vivisques, ainsi que l’installation de ces derniers entre océan et Gironde-Garonne, daterait d’après les guerres de conquête des Gaules par César entre 58 et 50 avant J.C.

Certaines de ces hypothèses pourraient êtres hasardeuses

A notre avis, mis à part le fait que cette monnaie biturige atteste une certaine unité du peuple des Bituriges et l’existence de l’appellation Bituriges Vivisques dès le 1er siècle avant J.C., les autres hypothèses émises ci-dessus sont rendues hasardeuses par le manque de preuve voire même, par l’absence d’éléments probants de la réalité historique, environnementale et politique, des époques qu’elles désignent.
L’hypothèse de la composition du peuple des Bituriges en deux entités distinctes Cubes et Vivisques dès sa formation nous semble être une vision très improbable de ce que fut la réalité, à cause des structurations sociétales monolithiques mêmes des Nations gauloises.
Il en est de même de l’hypothèse d’une scission reposant sur une supposée décision punitive de César à l’encontre des Bituriges à cause de leur alliance avec Vercingétorix pour le combattre, dont on ne trouve aucune trace écrite.

Qui parle ou ne parle pas des Bituriges Vivisques ?

A aucun moment,  les auteurs historiens, philosophes et géographes antiques[9] du premier au sixième siècle d’avant J.C. ne nous parlent des Bituriges Vivisques.
Seuls Hécatée de Milet et Hérodote citeront les Celtes dans leurs écrits.
Même César, dans ces récits contenus dans son ouvrage de Bello Gallico,  sans doute rédigé en 51 ou 52 avant J. C., ne fait aucune allusion à  une distinction quelconque entre Cubes et Vivisques.
- Ni lorsqu’il parle de sa campagne punitive en pays biturige qui le mènera à assiéger et prendre la cité gauloise d’Avaricon[10].
- Ni lorsqu’il énumère les peuples Gaulois auxquels Vercingétorix fait appel afin qu’ils lui envoient des guerriers de secours à Alésia[11].
Il en est de même d’Aulus Hirtius[12] auteur du Livre VIII de Bello Gallico - Commentaires de César sur la Guerre des Gaules dont les écrits sont complémentaires à ceux de César.
Pourtant, à cette époque des écrits de César et de Hirtius, sur la guerre des Gaules, l’appellation Bituriges Vivisques existait depuis le premier siècle d’avant J.C., comme l’atteste et le prouve la monnaie dont nous venons de parler ! 
Cette preuve qui, s’il en était besoin, serait confirmée par Strabon, que nous avons déjà cité plus avant dans cet écrit, dans sa géographie, Livre IV, chapitre 2.1, qui date de l’an 17 après J.C..
Voila ce qu’il écrit :
L. IV – 2 -1 « La Garonne, grossie de trois affluents, à son embouchure entre le pays des Bituriges dits Bituriges Vivisques et le pays des Santons, peuple gaulois tous les deux. De fait ces Bituriges là sont la seule population allogène installée sur le territoire des Aquitains ; ils ne leur paient pas d’impôts. Ils ont pour place de commerce Burdigalla, au bord d’une lagune formée par les bouches de la Garonne. »
L. IV – 2 – 2 « Quant aux peuples situés entre la Garonne et la Loire et rattachés à l’Aquitaine (au sens augustéen), ce sont d’abord les Éluens (ou Helviens), dont le territoire commence au Rhône, puis après eux les Vellavii, autrefois rattachés aux Arvernes, aujourd’hui autonomes, ensuite les Arvernes, les Lémovices et les Pétrocoriens, suivis des Nitiobriges, des Cadurques et des Bituriges dit Bituriges Cubes (Kouboi). »
Nous remarquons que Strabon en parlant de la cité de Burdigalla (Bordeaux) ne la nomme pas comme capitale des Bituriges Vivisques, mais seulement de « place de commerce »
 

Reprise du questionnement et approche d’hypothèses de réponses

* 1ère Question : Pourquoi cette absence nominative des Bituriges Vivisques dans les écrits d’avant Strabon ?
Réponses possibles :
(1) : Si, la raison en était que les Auteurs anciens y compris César et Hirtius ne pouvaient pas nommer ce qui n’existait pas !
(2) : Si les nominatif Cubes et Vivisques n’étaient que deux appellations apparues pour marquer une  différenciation, au lieu de définir une identité comme certains ont pu le penser !

 

* 2ème Question : Pourquoi et comment des Bituriges se sont-ils établis sur les territoires entre Océan et Garonne-Gironde ?
Réponses possibles :
(1) : Si les Bituriges avaient seulement reproduit un phénomène d’ajustement et de régulation de leur population aux ressources alimentaires disponibles de leur terre du milieu (futur Berry).
D’autan, qu’ils avaient déjà pratiqué cette régulation du temps où Tarquin l’ancien régnait sur Rome (616-575 avant J.C.). 
Nous parlons là, des premières migrations gauloises bituriges en Italie du Nord et en Europe centrale, en 400 avant J.C. décrites par Tite Live.[13]
(2) : Si les Bituriges, par nécessité et intérêts, avaient tout simplement inventé le comptoir !
C’est-à-dire disposer, en propriété et en gouvernance, d’une contrée, dans le territoire d’une Nation autre que la sienne, destinée à favoriser et développer le commerce du royaume de sa propre Nation avec celles avoisinantes,  tout en maintenant son unité identitaire et en la soulageant des méfaits d’une surpopulation !
Ce comptoir, qui n’est autre qu’un établissement commercial installé dans un pays étranger, n’a rien à voir avec une colonie indépendante qui s’autogère politiquement et administrativement au point de se différencier de l’identité de la Nation de laquelle ses membres proviennent.

 

 

* 3ème Question : Pourquoi ne semble-t-il pas possible de retenir l’époque d’après les guerres des Gaules menées par César, pour l’installation des Bituriges Vivisques entre océan et Gironde-Garonne ?
Réponses possibles :
(1) : D’abord parce que une pièce de monnaie Bituriges datant du 1er siècle d’avant J.C. nous apprend que les Bituriges Vivisques existaient déjà avant les guerres des Gaules et donc nous pouvons supposer qu’ils occupaient depuis cette période d’apparition le territoire entre océan et Gironde-Garonne.
(2) : Il nous semble difficile, vu la richesse du territoire entre océan et Gironde-Garonne, de concevoir que César, pour punir les Bituriges de leur alliance avec Vercingétorix,  ait obligés une partie d’entre-eux à aller si installer. Car très franchement cela aurait ressemblé plus à une récompense qu’à une punition.
 

 

Construction de notre hypothèse

Tous ces questionnements et toutes ces réponses possibles nous amènent à échafauder une nouvelle hypothèse :

Données constructives de notre nouvelle hypothèse

La Nation des Bituriges serait issue des peuples des Galls et se serait formée entre le 9ème et le 10ème siècle avant J.C.
Lorsque vers 700 avant J. C., une première migration des Kimris se produisit, nous ne pouvons que constater que les Galls, pour la contenir, laissèrent les nouveaux venus s’établir à leurs côtés sur leurs terres et leurs côtes du nord de leur royaume de Galatie.
Il semble alors, que la puissance des Galls, qui occupaient le territoire que les Grecs appelaient Galatie et les Romains Gallia, leur permit d’assimiler, non sans heurtes guerriers, cette migration Kimris tout en restant les maîtres absolus et incontestés de la Galatie, se réservant, prioritairement, l’occupation des territoires du centre et de l’Est de ce pays.
Les Kimris et les Galls étant de même origine (Celte Galls)[14], cette réorganisation intégrative du territoire de la Galatie avait du être toutefois, assez paisible, malgré des ajustements sporadiques guerriers.
Amédée Thierry[15] nous dit aussi, que cette intégration des Kimris par les Galls dura plus d’un siècle.
Il nous semble que cette puissance des Galls, qui permit cette longue intégration des migrants Kimris, ne pouvait provenir que de l’existence d’une Nation déjà très structurée économiquement et politiquement, et dont la prépondérance était reconnue par les autres. C’est pourquoi qu’il nous semble crédible d’envisager que déjà, la nation des Bituriges existait en temps que telle, et que déjà son rayonnement était si prédominant, qu’elle avait confédéré les autres nations des Galls. 
Il nous semble également crédible de situer l’apothéose de son rayonnement et de son influence sur les autres nations gauloises entre le 8ème et le 9ème siècle avant J.C.
Ce fut aussi à la suite de cette première migration des Kimris que l’appellation Galatie sera peu à peu remplacée par celle de Gaule et les gallo-Kimris[16] issus de cette intégration des Kimris par les Galls, seront nommés Gaulois.
A l’âge de bronze, les Gaulois bituriges qui vivaient sur la terre du milieu, qui deviendra plus tard le Berry, maîtrisaient la métallurgie des alliages entre de cuivre et l’étain[17] et possédaient aussi les prémices des techniques de travail d’un nouveau métal jusqu'à lors inconnu : Le fer.
Pline l’ancien[18] attribue l’invention de l’alliage du cuivre et de l’étain, ainsi que l’étamage aux Mandubii d’Alésia, mais il dit que le procédé fut développé et maîtrisé, à un haut niveau, par les Bituriges. Cet artisanat était à l’origine d’une production qui leur permettait de commercer avec tout le bassin méditerranéen.
Nous savons que les Bituriges exploitaient les gisements d’étain à Montebas[19] dans la Creuse, mais c’était bien loin de suffire à l’exercice de leur art. 

 

Diodore de Sicile nous dit qu’il y a deux grands gisements d’étain. Il situe le premier en Grande Bretagne, à Ictis et le second dans les dix iles Cassitérides de la géographie grec, qu’on peu raisonnablement identifier de nos jours aux dix iles de l’archipel des Açores. Nous pensons comme André Chastagnol et Etienne Robert [20] que la fondation de Burdigalla (Bordeaux) fut liée au commerce de l’étain provenant des Iles que Strabon nommées "Cassitérides" et que les Bituriges avaient établi une route allant de Burdigalla à Avaricon, pour se fournir en étain, et d’Avaricon à Narbonne via Burdigalla pour exporter leur artisanat de bronze et d’étamage vers les pays méditerranéens.
Dans la première moitié du 4ème siècle avant J.C.[21], une seconde invasion des Celtes Kimris, celle des Kimris-Belges, eut lieu en deux vagues successives espacées de deux ans.
Au terme des troubles causés par ces envahisseurs, la Gaule de cette époque comprenait pas moins de 62 nations Gauloises qui se répartissaient comme suit :
Le peuple des Galls  en comptait 22, (dont les Bituriges) ;
Celui des Gallo-Kimris en comptait 17 ;
Et celui des Kimris-Belges en comptait 23[22].
Ces dernières migrations Kimris-Belges apportèrent aux Gaulois Bituriges qui vivaient sur leur terre du milieu (le futur Berry), la maitrise d’une des techniques métallurgiques les plus importantes, celle du traitement et du travail du fer. D’autant que le sous-sol de ce territoire biturige était riche en minerais[23].
Cette période où s’effectuèrent ces deux migrations Kimris, pourrait-être aussi celle où eut lieu la scission du peuple des Bituriges dont une partie alla s’installer en Aquitaine entre le fleuve Garonne et la côte atlantique.
Nous venons de voir que Strabon dans son livre IV de sa « Géographie »[24] nous en parle sans préciser l’époque de cette scission.
Pline lui dans le livre 4 de son « histoire Naturelle »[25] indique que ces Bituriges sont appelés « Bituriges libres » et surnommé « Vivisque » ou « Vivisci » appellation confirmée par Ptolémée dans le livre II de sa « Géographie »[26].
Contrairement aux idées reçues, et malheureusement propagées dans les années 1970 - 1980 par ceux qui écartaient, sans discernements, tous les contenus des écrits antiques, la société protohistorique de l’âge du fer des Bituriges  n’était en rien culturellement et économiquement attentiste ou semi-passive.
Le développement et le rayonnement de cette société protohistorique des Bituriges, n’avaient nul besoin d’assimiler d’éventuels apports provenant des civilisations méditerranéennes pour générer son propre essor.
Elle possédait déjà l’avancée civilisationnelle nécessaire pour être hiérarchiquement organisée socialement et commercialement dans une polyvalence de ses propres activités urbaines, rurales et guerrières.
Elle était aussi structurée organisée politiquement  dans le cadre d’un rassemblement de tribus en une Nation unitaire et cohérente qui avait :
- Un royaume « la terre du milieu » ;
- Un roi élu,
- Une capitale « Avaricon ».
Lors de fouilles sur le site d’Avaricon, effectuées  en 1984 et 1993, il fut mis à jour, dans les nivaux du sol de Saint Martin des Champs, de Port Sec, du collège Littré et des Etablissement militaires, de l’actuelle ville de  Bourges,  des vestiges d’habitats et des fragments d’objets s’étendant sur une centaine d’hectares, d’une implantation d’habitats urbains fortifiés, dont l’ensemble était défendu par des infrastructures défensives communes, datant environ entre 450 et 425 avant J.C.[27]
Ces vestiges structurels d’habitats attestent qu’il existait bien, sur et à l’Est de l’éperon qui s’élevait au confluent des rivières Auron et Yèvre, la cité d’Avaricon composée d'une enceinte princière et de plusieurs zones d’habitats et de lieux d’activités, qui était pour l’époque, très importante.
Cette importance est attestée par la nature et la quantité du mobilier qui y fut mis à jour.
Le suivi de la propagation de ce mobilier indique, que le rayonnement culturel, artistique et commercial de cette cité s’étendait dans un rayon de plus de cinquante kilomètres autour d’elle.
D’autres mobiliers montrent l’existence d’un flux d’échanges commerciaux constant avec le littoral méditerranéen.
L’analyse de ces extraordinaires vestiges de structures, de mobiliers, de dépôts et d’inhumations, conduit à la conclusion que la cité biturige d’Avaricon doit être identifiée comme celui d’une implantation urbaine hallstattienne celte gauloise Bituriges de très grande ampleur, et qu’elle n’a eu de cesse de s’étendre au sud et à l’Est en une mosaïque de petites implantations dont a résulté la grande cité gauloise biturige d’environ 40 000 habitants qui eut à soutenir son siège par les 8 légions  de César en 52 avant J.C.
 

Construction de l’hypothèse

Au regard de toutes ces données,
* Nous pensons que la Nation des Bituriges issue des Celtes Galls s’est formée entre le 9ème et le 10ème siècle avant J.C.[28]
* Il semble crédible de situer l’apothéose du rayonnement  civilisationnel de cette Nation des Bituriges et de son influence sur les autres nations gauloises entre le 9ème  et le 7ème siècle avant J.C., et d’envisager que l’influence de son rayonnement, et sa forte prépondérance socioculturelle permirent à cette Nation d’accueillir et d’assimiler la première migration des Celtes Kimris.
* Il semble également plausible d’envisager que la forte élévation démographique découlant de cette assimilation, nécessita une première régulation pour rétablir une harmonie entre les besoins des membres de cette Nation, et les ressources produites par le territoire. Il est également vraisemblablement que cette nécessité régulatrice fut la cause, sous le règne du roi biturige Ambigatos, de deux premiers essaimages bituriges[29], à l'époque où Tarquin l’ancien régnait sur Rome (616-575 avant J.C.),
* Nous pensons que deux siècle plus tard, au 5ème siècle avant J.C. le même phénomène migratoire se répéta avec l’arrivée en deux vagues successives espacée de deux ans des Kimris-Belges. Les mêmes causes produisant les mêmes effets,  l’intégration puis l’assimilation, de ces nouveaux migrants par la Nation des Bituriges de la terre du milieu (futur Berry), a crée peu à peu, durant le 4ème siècle avant J.C., en son territoire, une surpopulation incompatible avec les ressources alimentaires et industrielles disponibles.
* Il nous est permis de concevoir alors, que dans la période comprise entre la fin du 4ème siècle et le début du 3ème siècle avant J.C., il résulta naturellement de cette surpopulation, un essaimage d’une partie de la population des Bituriges qui fonda un comptoir en Aquitaine, région qu’ils connaissaient déjà comme étape commerciale sur la route de leurs échanges commerciaux méditerranéens, comme tendent à le prouver les récentes découvertes archéologiques sur le site de la cité gauloise biturige d’Avaricon (Bourges)[30].
* La pièce de monnaie  biturige en argent  trouvée en 1827[31] à la « Rousselière », sur la commune de Cheverny, dans le département du Loiret et Cher, aux limites nord de la terre du milieu (Berry) et qui est datée par Daphné Nash[32] du 1er siècle d’avant J.C., représente sur son coté face une tête sans doute d’un personnage important, et sur son côté pile un cheval au dessus duquel est gravé l’ethnonyme OYI qui identifie, d’après Jean Hiernard, [33] les Bituriges vivisques. Sur ce même coté de la pièce, au dessus des jambes de ce cheval, on trouve encore gravé l’ethnonymes KOY qui identifie, encore d’après Jean Hiernard, les Bituriges cubes.
* Ces deux identifications, réunies sur une même pièce de monnaie, tendent à signifier que les Vivisques et les Cubis avaient une monnaie commune, et qu’il nous faut admettre comme le fit en son temps Eugène Hucher[34], qu’ils appartenaient tous deux à une seule est même Nation dont les membres étaient installés sur deux lieux différents aujourd’hui appelés Berry et Gironde. C’est bien pourquoi Strabon se garda bien de nommer la cité de Burdigalla (Bordeaux) comme la capitale des Vivisques, mais comme une place de commerce.
 

 

 Conclusion :
Nous avons construit cette hypothèse aux regards de plusieurs phénomènes ancestraux bien connus des socio-anthropologues qui les ont si souvent observés qu’ils peuvent être considérés comme des constances vérifiées. A savoir :
- La stabilité démographique d’une population dépend de l’équilibre entre ses besoins et les ressources exploitables que lui offre le territoire où elle vit.
- Dans le cas d’un déséquilibre entre les besoins humains et les ressources territoriales, l’ajustement démographique se fait, soit par une augmentation des ressources disponibles, soit par l’exode d’une partie de la population qui diminue ainsi les besoins.
- L’exode d’une population est très souvent dû soit à une misère découlant de la guerre ou celle provenant d’un appauvrissement des ressources territoriales ; mais aussi  à une prospérité d’une extension industrielle ou commerciale.
Considérant ces constances : 
Nous sommes persuadés que les différenciations Cubes et Vivisques apparaissent dans la Nation des Bituriges, au plus tôt entre la fin du 4ème siècle et le début du 3ème siècle avant J.C., et au plus tard avant le 1er siècle avant J.C.
Nous pensons que ces différenciations "Cubes" et "Vivisques" indiquent seulement les lieux géographiques sur lesquels certains membres de cette Nation vivent. Ainsi ceux qui vivaient sur La terre mère du milieu (Berry) auraient été nommés "Bituriges cubes" ou simplement "Cubes" et ceux qui étaient allés s’installer en terre annexe où était le comptoir aquitain, auraient été appelés "Bituriges vivisques" ou simplement "Vivisques".
Nous pensons également que les Bituriges développèrent leur industrie métallurgique  (cuivre étain) entre le 9ème et le 7ème siècle avant J.C. Et que ce développement industriel nécessita un autre approvisionnement en minerais que celui qui venait de la Grande Bretagne.
Nous sommes persuadés que pour cela, les Bituriges ouvrirent une deuxième route d’approvisionnement vers le sud ouest afin d’acheminer le minerais provenant des gisements d'étain des Iles Cassitérides de la géographie grec (qui nous semble être aujourd’hui les dix iles de l’archipel des Açores).
Cette deuxième route aurait permit aussi aux Bituriges d’exporter leurs productions artisanales de bronze, d’étamage et de damasserie, vers les pays du pourtour méditerranéen.
Les Bituriges aurait fait ainsi de Burdigalla, la plaque tournante de leurs approvisionnements en matières premières (étain) et de leurs exportations de produits finis. 
Cette route reliait la capitale des Bituriges de la terre du milieu (Berry) Avaricon (Bourges) à Burdigalla (Bordeaux) dont les bateaux de minerais d’étain des Acores arrivaient. Cette même voie de communications permettait également l'exportation de la production métallurgique des artisans bituriges de la terre du milieu
Cette route se prolongeait de Burdigalla à Marssilia (Marseille) via  Aginnum (Agen) Tolosa (Toulouse) et Nabo Martius (Narbonne).

 

 

Nous sommes convaincus que les causes et raisons probables de l'installation de certains Bituriges de la terre du milieu (Berry) en Aquitaine entre Océan et Garonne-Gironde au 4ème siècle avant J. C. furent :
* Pour réguler la surpopulation de la terre du milieu (Berry) provenant de l’intégration des deux vagues migratoire Kimris Belges.
* Pour faciliter et développer leurs échanges commerciaux et industriels.
* Parce que Burdigalla leur place commerciale se trouvait déjà en cet endroit d’Aquitaine.
Nous pensons donc qu’il n’y eut toujours qu’une seule et unique Nation des Bituriges (ce qui expliquerai que César et d'autres historiens géographes n'aient jamais fait allusion à une différenciation biturige) dont la capitale fut la cité d’Avaricon, et que les nominatifs complémentaires de Cubes et Vivisques accolés au nom Bituriges ne sont pas des composants du nom identitaire, mais plutôt des adjectifs de différenciations dont qu’il conviendrait mieux d’orthographier avec des minuscules en cubes et vivisques. Sauf lorsque employés seuls, ces adjectifs de différenciation devenant des noms, la majuscule s’impose en Cubes et Vivisques.

 

 

Bien sur, cette hypothèse que nous émettons sur la réalité historique de l'apparition des Vivisques, n'est qu'une hypothèse.
Toutefois, contrairement à d'autres, cette hypothèse là se structure et s'ellabore à partir de faits civilisationnels constants, vérifiés et reconnus. Elle intègre les récentes avancées archéologiques intéressant : La Nation des Bituriges ; son royaume (terre du milieu = Berry) ; sa capitale Avarion (Avaricum-Bourges).
René Johannot.
 

 

Notes de Références et Bibliographie

 


[1] Strabon : Géographe grec né à Amasée dans le Pont vers 64 av. J.-C, mort entre 21 et 25 après J.-C.

[2]  Terre du milieu (Meit-land) : D’après une approche numismatique de l’histoire du pays Biturige : In  Revue Numismatique de la Société Royale de numismatique Belge. Volume de 1 à 2, page 380. In PIERQUIN de GEMBLOUX. (Claude-Charles.). : « Histoire monétaire et philologique du Berry. » Editions Veuve Ménagé, 1840. 288 pages, page 213.

[3] KRUTA. (Venceslas.). : « Les Celtes, Histoire et Dictionnaire ». Edition Lafond. Paris 2000.

[4] KRUTA. (Venceslas.). : « Les Celtes, Histoire et Dictionnaire ». Edition Lafond. Paris 2000.

[5] CESAR. (Jules.). : « Commentaires sur la Guerre des Gaules », Livre VII, 13 et 15.

[6] La première publication concernant ces pièces de monnaies bituriges est due à L. DE LA SAUSSAYE, Mémoires sur plusieurs enfouissements numismatiques découverts dans la Sologne blésoise, dans R.N., 1836, p. 301-320, pl. VIII..

[7] HIERNARD. (Jean.). : Bituriges du Bordelais et Bituriges du Berry : l’apport de la numismatique, Revue Archéologique de Bordeaux, 1997, pp. 61-65.

[8] Cette pièce fait partie des cinq monnaies bituriges d’un ensemble qui fut trouvé lors de l'assèchement de l'étang de la Rousselière. Une partie des monnaies a disparu, 48 ont été identifiées, dont 3 deniers républicains romains de 125, 124 et 92 avant J.-C.

 

[9] Hérodote (° vers -484 / + -425 avant J.C.) : Il fut le premier historien grec, et déjà les Anciens l'appelaient le père de l'histoire.
Mégasthène (° vers -350 / + -290 avant J.C.) : Historien d’origine d'Ionie qui était au service du roi Séleucos Ier Nicator.
Polybe (°entre -210 et -202 / + -126 avant J.C.) : Ce fut un historien contemporain à la conquête du bassin méditerranéen par Rome. Cette hégémonie romaine, qui se déroula au 2ème siècle avant J. C., fut l’événement qui marqua le plus l'histoire humaine. 
Thucydide (°vers -460 / + vers -400 avant J.C.) : Il occupa une place unique parmi les historiens de l’Antiquité. Il fut le premier  à raconter, en la vivant de l’intérieure, la guerre du Péloponnèse entre Sparte et Athènes, qui se déroula de -431 à -404 avant J.C. Son analyse historique de cette époque fut si fine, qu’elle reste un modèle du genre.
Hécatée de Milet (° vers -548 / +vers 475) et Hérodote (° vers-484 / + vers -420 avant J.C.: Ils furent les premiers Historiens-Géographes à faire apparaître dans leurs écrits nom des Celtes (Keltoi).

 

 [10] César : « de Bello Gallico » livre VII  du chapitre 12 au chapitre 31.

[11] César : « de Bello Gallico » livre VII chapitre 75.

[12] Aulus Hirtius : Il est né en 90 av. J.-C. et est décédé en 43 av. J.-C.. Il fut consul en -43. Il fut aussi l’auteur de livres militaires. On lui attribue notamment le huitième et dernier livre des Commentaires de César sur la Guerre des Gaules

 

[13] TITE LIVE. Livre V chapitre 34 : « Sous le gouvernement d’Ambigatus, que ses vertus, ses richesses et la prospérité de son peuple avaient rendu tout-puissant, la Gaule reçut un tel développement par la fertilité de son sol et le nombre de ses habitants, qu’il sembla impossible de contenir le débordement de sa population. Le roi, déjà vieux, voulant débarrasser son royaume de cette multitude qui l’écrasait, invita Bellovèse et Ségovèse, fils de sa sœur, jeunes hommes entreprenants, à aller chercher un autre séjour dans les contrées que les dieux leur indiqueraient par les augures :  ils seraient libres d’emmener avec eux autant d’hommes qu’ils voudraient, afin que nulle nation ne pût repousser les nouveaux venus.
Le sort assigna à Ségovèse les forêts Hercyniennes ; à Bellovèse, les dieux montrèrent un plus beau chemin, celui de l’Italie. »

 

 

[14] Pour Amédée Thierry, à l’origine, le peuple des Galls rassemblait ce qui devint plus tard les deux familles gauloises distinctes. (Les Galls et les Kimris). 
La  séparation en deux familles aurait eu lieu lorsqu’une partie des Galls décida de migrer vers les territoires qui forment aujourd’hui la France et qui, entre autre, se seraient installés sur l’espace territorial de son centre qui formera plus tard le Berry. L’autre partie serait restée alors à nomadiser vers l’Est et tout au long du Danube et auraient pris le nom de Kimris.
En recoupant les écrits anciens, il apparaît que ces événements seraient déroulés vers le 10ème siècle avant J.C.

 

 

[15] Amédée Simon Dominique Thierry : né le 2 août 1797 à Blois et mort le 27 mars 1873 à Paris, Il est un journaliste et historien. Il est l’auteur de : 
« Histoire des Gaulois », 3 vol. (1828, 1834, 1845  la 8e édition du vol. 1 paru en 1870)
« Histoire de la Gaule sous l'administration romaine » 3 vol. (1840-1847 ; 2e éd. en 1871)

 

[16]Amédée Thierry : « Histoire des Gaulois ». Editions Hachette. Paris 1835. 415 pages,.p.10

[17]Amédée Thierry : « Histoire des Gaulois ». Editions Hachette. Paris 1835. 415 pages,.p.48

[18] Pline l’Ancien : « Histoire naturelle ». Livre XXXIV, chapitre 162.

[19] MALLARD, Note sur un filon d'étain oxydé situé près du village de Montebras, commune de Soumans (Creuse). Môm. Soc.des se, nat. et arch. de la Creuse, t. tu, p. 161, i89.

[20] CHASTAGNOL. (André.). ROBERT. (Étienne.). : Bordeaux antique., Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1969, vol. 24, n° 2, pp. 454-461.

[21] Amédée Thierry : « Pour fixer, même d’une manière approximative et vague, l’époque de l’arrivée des Belges en deçà du Rhin, nous n’avons absolument aucune autre donnée que l’époque de leur établissement dans la partie de la Gaule que nous appelons aujourd’hui le Languedoc ; établissement qui paraît avoir été postérieur de très peu de temps à l’arrivée de la horde. Or, tous les récits mythologiques ou historiques, et tous les périples, y compris celui de Scylax écrit vers l’an 350 avant J.-C., ne font mention que de Ligures et d’Ibéro-Ligures sur la côte du bas Languedoc où s’établirent plus tard les Volkes ou Belges. Ce n’est que vers l’année 281 que ce peuple est nommé pour la première fois ; en 218, lors du passage d’Annibal, il en est de nouveau question. C’est donc entre 350 et 281 qu’il faut fixer l’établissement des Belges dans le Languedoc ; ce qui placerait leur arrivée en deçà du Rhin dans la première moitié du quatrième siècle. Il est remarquable que cette époque coïncide avec celle d’une longue paix entre les Cisalpins et Rome, et de tentatives d’émigration de la Gaule transalpine en Italie. »

[22] HUGO. (Abel.). : « France historique et monumentale: Histoire générale de France depuis les temps les plus reculés jusqu'a nos jours ... » Editions H.L. Delloye, 1836 page 12.

[23] Déjà Strabon mentionne que le territoire des Bituriges est riche en minerais de fer.

[24] STRABON : Géographie, livre IV, chapitres 1, 2.

[25] PLINE : Histoire Naturelle. Livre IV, chapitre 108.

[25] TITE LIVE : Histoire romaine - Livre V, 34.

[26] PTOLEMEE : Géographie. Livre II, chapitres 7 – 8.

[27] La céramique produite sur place est représentée, par des objets où ont été faites des inclusions de petits nodules de fer et de coquillages fossiles qui peuvent être considérés comme des marqueurs de cette production régionale. ; Les céramiques importées sont bien représentées par des amphores méditerranéennes provenant des côtes d’Italie du nord, de la Corse et du littoral de l’Hérault.  Les objets en bronze étrusques et italiques (17 pièces recensées), datent pour les plus anciens du VIIIe s. av. J.-C., mais ils sont principalement représentés à la fin du VIe et au Ve s. av. J.-C. Pour cette dernière époque, un lien existe entre la distribution des céramiques grecques et les vases de bronze italiques.

[28] TITE LIVE : Histoire romaine - Livre V, 34.

 

[29] TITE LIVE : Histoire romaine - Livre V, 34.
Ces deux premiers essaimages bituriges furent constitués de deux colonnes d’émigrants, vers deux directions. - L’une de 15 000 hommes, femmes et enfants conduite par Ségovèse qui allèrent fonder une colonie biturige vers le nord-est sur les rives du Danube après avoir traversé les grandes forêts hercyniennes. - L’autre de 15 000 individus, conduite par Bellovesos qui allèrent s’établir  en Lombardie au sud de l’Italie et qui fondèrent la cité de Milan.

[30] MILCENT. (Pierre-Yves.). : Bourges-Avaricum, un centre proto-urbain celtique au Ve siècle avant J.C. » CNRS. Paris, 2007.
AUGIER. (L.). BUCHSENSCHUTZ. (O.). RALSTON. (I.). : « Un complexe princier de l’âge du Fer : l’habitat du promontoire de Bourges (Cher), VIe-IVe s. av. J.-C, ». Revue archéologique du centre de la France 2007 : suppl. 32, 200 p.

 

[31]  DE LA SAUSSAYE. (L.). : Mémoires sur plusieurs enfouissements numismatiques découverts dans la Sologne blésoise, dans R.N., 1836, p. 301-320, pl. VIII.

[32] NASH. (Daphné.). : Territory and state formation in central Gaul, dans Social Organisation and, Settlemeni, Oxford 1978. Editions D. GREEN, C. HASELGROVE and M. SPRIGGS, B.A.R., Intern. Series, suppl. 47, p. 455-475.

[33] HIERNARD. (Jean.). : Bituriges du Bordelais et Bituriges du Berry : l’apport de la numismatique, Revue Archéologique de Bordeaux, 1997, pp. 61-65.

[34] HUCHER. (Eugène.). : « L'Art gaulois ou les Gaulois d'après leurs médailles » 2 e partie, Paris-Le Mans, 1873, p. 73, fig. 107;